Portrait du cardinal Robert Prevost

Portrait du cardinal Robert Prevost

Sur le siège qu’eut occupé, au moment des sacres du 30 juin 1988, le cardinal Bernardin Gantin, béninois, puis le cardinal Marc Ouellet, québecois – désormais empêtré dans les affaires de la congrégation des dominicaines du Saint-Esprit –, c’est-à-dire le siège de préfet du dicastère pour les évêques, est assis, depuis le printemps 2023, le cardinal Robert Francis Prevost.


Il paraît bénéficier de l’entière confiance du pape – à l’heure où ces lignes sont écrites, car en la matière tout peut basculer pour des raisons parfois mystérieuses.
Le cardinal Prevost : que fait-il, que dit-il aujourd’hui ? Qu’a-t-il fait, qu’a-t-il dit hier ?

UN EMPLOI DÉCISIF
Ce qu’il fait aujourd’hui, c’est, comme préfet de ce dicastère, d’aider le pape à identifier les futurs évêques. Seuls sont concernés les diocèses de chrétienté ancienne, essentiellement situés dans l’hémisphère Nord ; car pour les terres de mission, cette tâche revient au dicastère pour l’Évangélisation (qui fut auparavant la congrégation pour l’Évangélisation des peuples). Cela signifie tout de même deux tiers des évêques de la planète. Il est soutenu dans cette tâche par les nonces apostoliques.

Cependant, explique-t-il, il entend aussi consulter les religieux et même les laïcs, car l’évêque doit être connu de son peuple, « proche » de lui et à son écoute. La proximité, l’écoute, ce sont là les leitmotiv du cardinal Prevost : il décrit ce que doit être l’évêque, un « bon pasteur », qui « marche aux côtés du peuple de Dieu, près d’eux », non pas une personne « qui vit dans un palais », mais qui demeure « en relation avec le peuple de Dieu » et « cela demande beaucoup d’écoute et de dialogue ».

L’année 2023 ayant été celle du synode, le cardinal poursuit sur ce sujet : « L’Église catholique doit être synodale, ce qui signifie qu’elle doit savoir comment écouter chacun », « écouter vraiment et tout le monde », « être ouverte » au Peuple de Dieu dans sa « magnifique diversité ». Car « nous ne pouvons être tous pareils », et être conscient de la diversité permet « de dialoguer avec les autres ».

Tout n’est pas faux dans ce que signifie ce langage à connotation existentialiste. Mais rien ne peut plus plaire au pape qu’un cardinal avant tout préoccupé par l’écoute, la marche, le dialogue et l’ouverture.

VENU DE LA CITÉ D’AL CAPONE
Robert Francis Prevost est né à Chicago le 14 septembre 1955, d’un père français et d’une mère italienne. Après des études en mathématiques et en philosophie, il est entré chez les augustins. Ordonné en 1982, docteur en droit canonique, il a composé en 1990 une étude à mi-chemin entre la théodicée et les mathématiques : Probability and theistic explanation, Probabilité et explication de l’univers par la divinité.

Il est envoyé comme missionnaire au Pérou pour deux ans, retourne dans l’Illinois, puis part à nouveau pour le Pérou en 1988, dans lequel il va rester 11 ans, occupant des fonctions diverses (curé, directeur de séminaire, professeur, etc.)
Il est rappelé par sa congrégation à Chicago en 1999 et devient prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin pour deux mandats, de 2001 à 2013. Puis le pape François le nomme administrateur apostolique et, en 2015, évêque du diocèse de Chiclayo (1,3 million d’habitants, dont 83 % de catholiques), au nord du Pérou, pays dans lequel il effectue donc son troisième séjour.

2023 n’a pas représenté seulement pour lui la prise en main du dicastère pour les évêques, car le 30 septembre, il a été créé cardinal. Ce religieux d’un Ordre mendiant n’est pas habitué à la frénésie médiatique ; le Pérou l’a longtemps éloigné de l’Europe ; il prend peu ou pas position sur les questions qui défraient la chronique : mœurs contre-nature, œcuménisme, communion pour les divorcés-remariés. Et il a paru se démarquer un peu de François lorsqu’on lui a demandé comment, dans l’Église, on pourrait donner davantage de place aux femmes. « La Tradition apostolique doit être détaillée clairement si l’on veut parler de la question de l’ordination des femmes ». Selon lui, « cléricaliser » les femmes « ne résoudra pas les problèmes dans l’Église catholique ».

L’ENTRE-DEUX DU PROGRESSISME
En revanche, d’autres langages rappellent les thématiques conciliaires : « Nous sommes souvent préoccupés avec l’enseignement de la doctrine, la façon de vivre notre foi, mais risquons d’oublier que notre première tâche est d’expliquer, d’enseigner ce que signifie connaître Jésus-Christ et d’être témoins de notre proximité avec le Seigneur ». Mais quelle distinction peut bien faire le cardinal Prevost entre l’enseignement de la doctrine et la connaissance de Jésus-Christ ? Et entre la vie de foi et la proximité avec le Seigneur ?

Un peu dans le même sens, la manie réformatrice ne l’a pas laissé indemne puisqu’il a expliqué que le but du synode d’octobre dernier était « de trouver des chemins pour travailler et chercher ensemble afin de découvrir quelle est la sorte d’Église (kind of church) à laquelle nous aspirons aujourd’hui ». Comme s’il fallait chercher quelle sorte d’Église faire ! Ou ce que nous désirons comme Église.

Bien qu’on lui ait reproché de ne pas avoir suffisamment sévi, en l’an 2000, dans les sanctions qui visaient un prêtre accusé de fautes graves, le cardinal Prévost, fort de sa proximité de vues avec le pape François et des qualités qu’on lui prête, devrait rester longtemps à la Curie et peser dans les affaires courantes du Vatican. L’homme est encore jeune et d’aucuns lui prêtent le profil d’un papabile.

Article tiré du FIDELITER n° 277 (janvier-février 2024)

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