Que chanter à la messe ? Abbé Louis-Marie Gélineau

Que chanter à la messe ? Abbé Louis-Marie Gélineau

Dans le Fideliter n°266, l’article « Pour que nos messes chantées soient belles » indiquait les principes donnés par saint Pie-X pour le choix des chants à la messe. Afin d’appliquer ces principes, le Centre Grégorien Saint-Pie-X a proposé quelques fascicules de cantiques que les paroisses pourront dupliquer. Tous les cantiques qui seraient inconnus sont enregistrés sur notre chaîne YouTube avec la partition en image.

Nous donnons ci-dessous les introductions des fascicules, telles que vous les trouvez sur notre site : www.centre-gregorien-saint-pie-x.fr

Fascicule 1 : cantiques du père de Montfort

Le Centre Grégorien Saint Pie X publie aujourd’hui son premier fascicule de cantiques en français à l’usage des paroisses, conformes au Motu Proprio de saint Pie X pour un usage dans la liturgie. Quelques explications s’imposent.

Le Père de Montfort, “patron” du cantique populaire

Nous pourrions appeler le Père de Montfort, le patron du cantique populaire religieux. En effet, de la même manière que saint Grégoire le Grand a eu une grande part dans la composition du répertoire liturgique qui a pris son patronage et son nom, la production de cantiques du Père de Montfort est considérable. Parmi les multiples lettres préfaces de l’édition des cantiques par le P. Fradet, on relève que saint Louis-Marie a composé près de 24 000 vers en musique.

En effet, le chant était un outil majeur de sa prédication. Il a passé toute sa vie à chanter, de son enfance à son lit de mort, en passant par ses multiples pérégrinations en France. Il en expose les raisons en musique dans le premier cantique : Dieu aime le chant, les anges chantent, il faut les imiter, le chant réchauffe notre amour pour Dieu, il chasse la tristesse de notre âme, le chant est prévu dans la liturgie de l’Église, les premiers chrétiens s’encourageaient par le chant, saint Paul les y invitait. Je passe quelques-unes des raisons exposées dans les 36 strophes de ce cantique. Toutefois, Montfort souhaite qu’on chante bien et de bons chants.

C’est pourquoi les paroles et les mélodies sont soigneusement choisies. Gastoué, professeur à la Schola Cantórum, dans sa lettre préface, détaille les origines des mélodies. On a souvent accusé, et dès son époque, saint Louis-Marie d’avoir utilisé des chansons de cabaret. Gastoué ne voit qu’un seul air emprunté à ce registre. Pour le reste, ce sont des airs simples et connus, mais nobles d’allure. Il semble qu’il ait composé lui-même certains airs, du moins arrangé certains cantiques sur les airs de certaines hymnes liturgiques (au moins une fois Audi benigne Conditor).

Sa poésie également n’est pas vulgaire, la prosodie est très riche, le vocabulaire tout aussi. Si la langue est simple, les rimes sont fortes pour imprimer certaines relations dans l’âme des auditeurs et chanteurs. Il ne recule pas devant certains jeux de mots : il signe indubitablement le cantique bien connu « Je mets ma confiance » dans une de ses strophes : « Je sais qu’il est mon Père, mais vous êtes mon fort. »

L’aspect principal du cantique Montfortain reste certainement l’aspect catéchétique : saint Louis-Marie fait chanter pour ancrer les vérités de la foi dans l’esprit des fidèles. C’est pour cela qu’il est un outil indispensable de la mission. Le chant appelle les habitants à la mission, les invite à la confession, leur expose les vérités de la foi, les moyens de sanctification et leur fait prendre des résolutions. Un cantique comme « O l’Auguste Sacrement » est un véritable catéchisme, pour ne pas dire un cours de théologie, à l’image de la séquence de saint Thomas d’Aquin Lauda Sion.

Monfort applique le Motu Proprio de saint Pie X

L’expression peut sembler choquante, parce qu’anachronique d’une part, et d’autre part, parce que saint Pie X ne laisse pas de place pour le cantique en français dans la liturgie. Toutefois les principes qui guident le missionnaire sont ceux que développera ensuite le saint pape liturgiste : le chant religieux doit être saint, beau musicalement, et enfin universel. Bien que le cantique en français ne soit pas aussi universel que le grégorien latin, il garde une certaine universalité à l’échelle d’un pays ou d’une région.

Il faut noter d’emblée que saint Louis-Marie ne prétendait pas introduire ses compositions dans les offices liturgiques. Leur usage était réservé à la prédication et aux “pieux exercices”, comme dirait l’Instruction de 1958. C’est pourquoi certains cantiques devront être réservés à la sortie de la messe ou aux processions et ne pas s’introduire dans la liturgie elle-même parce qu’ils sont moins sacrés. Dans notre premier fascicule, ce serait le cas du cantique « Venez à la confession ».

Pour le reste, les caractéristiques du bon chant populaire religieux, données par le pape Pie XII, qui complète saint Pie X, correspondent aux principes directeurs du Père de Montfort :

  • « Que le cantique populaire soit issu dans son origine du chant liturgique lui-même, » demande Pie XII. On comprend pourquoi saint Louis-Marie essaie de composer des cantiques sur les hymnes liturgiques ou pourquoi il imite les textes de la liturgie.
  • « Qu’il soit pleinement conforme à la doctrine de la foi chrétienne, la présentant et l’exposant de façon juste, » dit encore Pie XII. On pourrait rechercher dans l’œuvre du missionnaire des approximations théologiques, elles seraient difficiles à trouver. Au contraire, tout est conforme à la saine théologie, si bien qu’un vrai moderniste ne pourrait pas conserver longtemps ces cantiques.
  • Le pape demande d’« utiliser une langue facile et une musique simple, évitant la prolixité ampoulée et vaine des paroles ». C’est encore une caractéristique de la poésie montfortaine, exposée ci-dessus. Il est vrai que certains couplets peuvent paraître un peu pompeux aujourd’hui, la langue française ayant évolué depuis.
  • Le bon cantique doit « être court et facile ». Saint Louis-Marie respecte plus la 2e condition parce qu’il destine ses cantiques aux prédications et exercices de piété. C’est pourquoi nous n’avons gardé que quelques couplets pour l’usage liturgique.
  • Enfin, il doit « avoir une certaine gravité religieuse ». La sélection dans les airs populaires dont parle Gastoué correspond bien à cette exigence de Pie XII. Il faut préciser que le pape rappelle ici la première caractéristique donnée par saint Pie X.

Il n’y a donc aucune opposition entre les directives strictes du saint pape Pie X et la liberté du missionnaire. Au contraire, le même esprit les anime : faire prier d’autant plus les fidèles qu’on les fait chanter, mais pas n’importe quelle musique parce qu’il faut que « le peuple prie sur de la beauté. »

 

Vous trouverez ici la nouvelle édition de ce 1er fascicule téléchargeable.

Vous trouvez ici une polyphonie sur la première version de "Je mets ma confiance", avec l'enregistrement.

Et ici une autre polyhonie sur la deuxième version de ce même cantique, avec l'enregistrement. Au point de vue liturgique, elle est préférable, de loin, à une autre version qui circule amplement, de Frédéric Moreau-Saran.

Ensuite ici une polyphonie sur le cantique Par l'Ave Maria dans sa 2e version, et l'enregistrement.

Voici l'enregistrement de la 1ère version.

Voici l'enregistrement du Souvenez-vous.

Voici l'enregistrement du cantique Pour aller à Jésus.

Voici l'enregistrement du Triomphe de la Croix.

Voici l'enregistrement du cantique Nous n'avons à faire.

Voici l'enregistrement du cantique Venez à la confession (pour la sortie et les processions)

 

Fascicule 2 : cantiques à la Sainte Vierge

Pour le mois d’octobre, ce fascicule est un peu hétéroclite, il rassemble quelques cantiques à la Sainte Vierge, connus ou non. Quelques cantiques déjà présents dans les fascicules 1 et 1bis n’ont pas été reproduits ici. C’est l’occasion de présenter quelques nouveaux auteurs de cantiques. En effet, toutes les mélodies ne sont pas anonymes et de tradition populaire ancestrales, certaines sont de facture plus récente.

Une mélodie populaire

Ce fascicule présente une mélodie populaire tout de même : “De concert avec les anges”. La facture en est très simple, le livre des accompagnements de Besnier en donne une harmonisation très agréable avec une petite introduction à l’orgue. En raison de la simplicité du rythme, il faudra veiller tout particulièrement à ne pas hacher le chant en coupant toutes les quatre notes. Les liaisons sont indiquées à cet effet et vous noterez que la première phrase du refrain doit être chantée d’un seul souffle. C’est ainsi qu’on mettra en valeur le rapport au texte. Voici l'enregistrement.

Dans la mélodie, on peut noter également que le mi n’est pas entendu, un peu comme dans l’introït Requiem, ce qui montre que les mélodies populaires sont souvent plus proches des mélodies grégoriennes que les pièces classiques écrites.

Les cantiques XIXe

Au 19e siècle, la production de cantiques, pour les pèlerinages en particulier, fut très importante. Le P. Lambillotte (1797-1855) composa plusieurs recueils : 4 volumes de Chants à Marie, un Choix de cantiques sur des airs nouveaux qui en regroupe 180, ainsi qu’un Recueil de chants sacrés. On dit que sa production a moins de valeur qualitative que quantitative. Il est probable, en effet, qu’il ait voulu produire beaucoup et que l’inspiration n’ait pas toujours suivi.

Les cantiques proposés ici sont bien connus “C’est le Mois de Marie”, incontournable pour l’autre mois de la Sainte Vierge, le mois de mai. Ainsi le fascicule servira particulièrement pour ces deux mois de l’année. La mélodie est sans doute plus ancienne. C’est lui qui nous donne également le cantique de consécration à la Sainte Vierge : “O Ma Reine”, dans l’air plus connu que nous proposons ici. Le chanoine Besnier propose un autre air. Les couplets sont nombreux, nous avons sélectionné les plus connus en ajoutant notre couplet 5.

Ces deux cantiques sont en mode majeur. On veillera à mener doucement la grande montée du couplet dans “C’est le Mois de Marie” en respirant après la fin de cette montée. Dans les deux cantiques le balancement du rythme en 6/8 ne doit pas être trop marqué afin de ne pas donner un effet barcarolle, qui peut être évité facilement par un crescendo continu vers le sommet et une descente progressive également.

L’abbé François-Xavier Moreau, curé de Sorigny en Indre et Loire, composa un certain nombre de cantiques pour les pèlerinages à Lourdes, en particulier le célèbre “Nous voulons Dieu”, pour le pèlerinage de la Touraine le 11 septembre 1882. Dans l’original, on notera des ajustements à la prosodie pour certains couplets avec des changements de rythme. Par la suite on a modifié les paroles pour éviter ces variations, c’est une perte regrettable, certainement.

Parmi les cantiques de ce prêtre, nous trouvons également “Quand vint sur terre”. La mélodie en est très simple et il se prête aux diverses circonstances. On veillera à ne pas couper à chaque vers afin de maintenir la ligne musicale. Ce cantique sera très facile à faire apprendre à une paroisse qui commencera par répondre l’Ave Maria en refrain, puis suivra les couplets grâce au fascicule. Voici l'enregistrement.

Le retour au chant grégorien

Nous avons déjà eu l’occasion de parler de cette redécouverte du chant grégorien au tournant du 19e – 20e siècle. Aloÿs Kunc (mort en 1895) participa aux travaux de restauration du chant grégorien : Congrès pour la restauration du plain-chant et de la musique d’Église en 1860 et Congrès européen d’Arezzo en 1882, sans oublier les revues qu’il fonda : Corona Sacra et Musica Sacra. Il composa plusieurs cantiques, le plus célèbre étant le “Pitié, mon Dieu”, composé pour l’inauguration de la Basilique de Montmartre. Tout comme le cantique présenté ici, “Reine de France”, la connotation triomphaliste est manifeste, elle marque l’époque de composition.

Toutefois ces cantiques sont historiquement incontournables pour nous placer dans le sillage anti-libéral des catholiques du 19e siècle. En conséquence, il faudra réserver ces cantiques à la sortie de la messe ou aux processions et pèlerinages.

La Schola Cantórum est une des grandes figures de ce renouveau grégorien appliqué à la composition musicale. Nous avons l’occasion ici de présenter un cantique signé par l’un des fondateurs de la Schola, Charles Bordes (décédé en 1909) : “O Vierge Marie”. Il fonda également les Chanteurs de Saint-Gervais dans l’église il assurait la fonction de maître de chapelle. L’harmonisation du refrain ressort plus de l’harmonie romantique que des modes grégoriens, mais les versets litaniques sont plus simples dans leur facture et peuvent être harmonisés à la manière d’une litanie grégorienne. Voici l'enregistrement.

Dans le « Je vous salue Marie », dit de Chartres, de l’abbé Joseph Louis (à ne pas confondre avec le Je vous salue Marie des JMJ), la musique respecte plus le texte, comme en chant grégorien. On constate, en effet, que le rythme y est très libre, difficile à faire rentrer dans nos mesures classiques. C’est pourquoi on trouvera des écritures différentes et des interprétations rythmiques différentes, nous avons tâché de présenter la version commune. Ce cantique respecte aussi le mode de ré en évitant soigneusement l’enchaînement final de demi-ton do#-ré. Au contraire l’absence de sensible dans l’enchaînement do-ré lui donne une grande solennité (comme nous le disions dans la vidéo sur le sensible et la sensible).


fascicule 3 : fins dernières et temps de l’Avent

Pour les mois de novembre et de décembre, ce fascicule rassemble quelques cantiques sur les fins dernières et pour le temps de l’Avent. Beaucoup de ces cantiques ne sont pas connus, malgré des mélodies populaires ou anciennes. Quelques-uns méritent tout de même une présentation. Pour Aloÿs Kunc, auteur du célèbre « Pitié, mon Dieu », dont l’air est réutilisé pour le cantique « Pensez-y bien », nous renvoyons à l’introduction du fascicule 2.

Les mélodies populaires

Parmi les sources de cantiques sacrés, on retrouve de nombreuses mélodies populaires bretonnes. Le célèbre cantique du paradis en est un exemple. Les motifs sont très simples (sur trois notes, mais pas martelées), le rythme en fait une sorte de berceuse (du repos éternel). On notera le mode de la (ou mode de ré), c’est-à-dire que le sol n’est pas dièze, ce qui enlève l’effet de sensible, comme dans beaucoup d’airs populaires (cf. la vidéo sur le sensible et la sensible). Voici l'enregistrement.


L’abbé Joseph Besnier, directeur de la maîtrise de la cathédrale de Nantes et auteurs des célèbres recueils de cantiques et de motets, retrouve les mélodies populaires ou tâche de s’approcher de l’esprit populaire en recomposant certaines mélodies. Nos fascicules font une large part à son œuvre que nous tâchons modestement de reprendre. On admirera la simplicité du cantique « Nous passons comme une ombre. » Le cantique « Nous n’avons à faire », que l’on trouvera au 1er fascicule, est légèrement plus difficile, surtout dans les sauts de quarte (sol-do) qui ne nous sont plus très naturels aujourd’hui. Voici l'enregistrement du 1er.

Voici celui du 2e. Voici l'enregistrement du cantique « Le ciel en est le prix ».

Il convient de rappeler ce que nous disions au 1er fascicule : l’air du cantique « Chrétien, travaille à ton salut » le rend impropre à l’usage pendant la messe, il doit être réservé aux processions et pèlerinages. En voici l'air.

Les Noëls anciens

Avec le temps de l’Avent, nous touchons quelques Noëls anciens : « Venez, divin Messie », ou « ô Dieu de clémence ». Le fascicule de Noëls sera l’occasion de développer ce volet. On peut déjà dire que l’esprit populaire est très marqué dans ces Noëls : une mélodie simple et entraînante, sans être rengaine, ni musique légère.

Un Noël moins connu, est proposé : "Paraissez, Monarque aimable".

Les cantiques baroques du XVIIe et du XVIIIe

Nous voyons apparaître ici un cantique de Saboly, « Versez du ciel. » Il faut y remarquer l’alternance du fa dièze et du fa bécarre qui témoigne de l’époque où la musique oscillait encore entre tonalité et modalité. Il s’agit de l’air du Noël « A la Venue de Noël », que les organistes ont ensuite varié à l’infini. C’est donc un air bien connu.

Une deuxième pièce date de l’époque baroque (au sens large) : « Au fond des brûlants abîmes », complainte des âmes du purgatoire de Dauvergne (1713-1797) qui nous disposera pendant ce mois de novembre à prier pour ces âmes souffrantes qui ne peuvent rien pour elles-mêmes. Le compositeur est violoniste et directeur de la Musique royale et de l’Opéra. D’origine modeste, il brilla à Paris comme successeur de Rameau et Mondonville. Il écrit plus d’œuvres pour la scène que pour la messe, mais la complainte dont nous parlons n’a pas l’ampleur de ces musiques de scène. Voici l'enregistrement.

L’esprit grégorien chez dom Deprez

Dom Deprez, décédé en 1928, était moine de Maredsous où il fut longtemps l’organiste. Il composa de nombreux cantiques populaires publiés aux éditions de la Schola Cantorum (5 séries). Il cherchait l’union entre les pièces d’orgue et la liturgie du jour.

En 1913, il donne ce mot sur la composition des cantiques : « Écrire des mélodies assez religieuses pour toucher les âmes, assez chantantes pour plaire à la foule, assez délicates pour ne pas déplaire aux “artistes” ».

Nous présentons ici « Dieu très bon, Dieu Sauveur », qui veut, par son rythme assez libre et ses intervalles, se rapprocher du chant grégorien, de manière à être une paraphrase de l’hymne des vêpres de l’Avent. Les cadences sont assez variées, elles doivent être bien posées à chaque virgule, même si le rythme indiqué est une simple croche, en prenant un temps pour respirer avant de repartir sur ce flot assez continu de croches, pourtant bien rythmé comme une hymne grégorienne. Seul le passage de fin du couplet (« vous venez, ô Jésus … ») tient plutôt de l’esprit tonal. De ce fait, il faudra veiller à ne pas le faire éclater, afin qu’il ne casse pas l’état d’esprit donné par le reste du cantique.

 

Fascicule 4 : vie chrétienne – temps de pénitence

La plupart de nos manuels de cantiques sont très pauvres pour la période du Carême. Voici donc quelques cantiques peu connus qui mettront en nos âmes les dispositions adaptées à ce temps liturgique

N.B. Les enregistrements sont accessibles en cliquant sur le nom du cantique.

Airs traditionnels

Parmi les airs traditionnels utilisés dans ce fascicule, il faut souligner le fameux “Air de Pontmain” du cantique “Mère de l’Espérance”, appliqué avec de légères variantes au texte du P. de la Tour : “Goûtez, âmes ferventes”.

On observera que cette variante évite soigneusement de faire entendre le fa#, de sorte que ce cantique pourrait être accompagné “à l’ancienne”, sans sensible, mais avec une cadence plagale, ou même un fa bécarre. Cette mélodie, entraînante sans être vulgaire, imprègnera en nos âmes le zèle pour les vertus théologales, si facilement oubliées, mais dont les paroles du chant nous montrent le beau rôle dans notre vie chrétienne.


Les deux autres airs récusent absolument la sensible. Ils sont composés dans l’équivalent du 1er mode grégorien. Les quelques grands intervalles de “Reviens, pécheur” ne seront pas difficiles à mémoriser, parce que l’air est bien construit autour des principales charnières du mode : on se pose sur le la (dominante) et on va ensuite chercher le ré aigu (octave de la finale) pour repartir.

À part quelques fins de phrases un peu différentes (“viens sans tarder” ou “ton âme fut rebelle”), il pourrait être accompagné tout le long d’un double bourdon (tel celui de la cornemuse) ré-la. Il faut le chanter suffisamment allant (traduction du mot andante) pour que l’incitation à la pénitence ne ressemble pas à un appel désespéré. Le passage “viens sans tarder”, avec sa montée abrupte au si bémol, devra être travaillé. Quant aux variations du si dans la phrase suivante, elles ne posent pas de difficultés, elles sont naturelles. Le tempo allant aidera également à ne pas couper au milieu des phrases.

L’air breton de “Vous m’appelez” est caractéristique de ces airs très anciens et très faciles à mémoriser : peu de notes utilisées, une gamme incomplète où l’on saute des notes. Attention à bien lier l’ensemble de chaque verset pour éviter une plainte qui manquerait d’espérance. Nous avons ici un cantique facile et bien adapté au temps du Carême.

Sur des textes liturgiques

L’introduction du 1er fascicule évoquait cette directive du pape Pie XII : il convient de composer des cantiques vernaculaires sur des textes sacrés. Nous avons ici une traduction libre de l’hymne de prime par le Père Blineau, que l’auteur du célèbre manuel de cantiques, l’abbé Besnier, a mis en musique : "Dès le réveil de la lumière". Mgr Lefebvre disait qu’il n’y avait pas de meilleure prière du matin que les hymnes et oraisons de prime. Cette belle adaptation remplira heureusement cet office.

Compositeurs plus récents

Compositeur formé à la maîtrise de Notre-Dame et à l’école Choron, qui mettait à l’honneur les maîtres anciens (Palestrina, Bach), Hippolyte Monpou (1804-1841) composa beaucoup de musiques de théâtre. Mais il est aussi organiste et compositeur de musique religieuse.

Son cantique “Heureux qui dès son enfance” est de pure veine populaire, non grégorien au sens strict, mais plus proche du grégorien que la musique baroque, classique et romantique, même s’il écrit bien avant le renouveau grégorien de l’école Nidermeyer (vers 1850). Il faut chanter ce cantique très simplement, sans chercher à créer une tension dramatique dans le couplet en mode mineur, ni à “faire sauter” les rythmes pointés en les exagérant.

L’abbé Stanislas Roncin (1873-1962), curé normand, a composé beaucoup de musique religieuse, mais surtout des cantiques et des chansons populaires. “Changeons de vie” est issu d’un recueil datant de 1926, de cantiques d’église.

L’abbé s’est aussi illustré dans des styles profanes, écrivant des chansons joyeuses pour la jeunesse. La mélodie de son cantique manifeste une maîtrise du style populaire. Les caractéristiques sont les mêmes que dans les cantiques indiqués ci-dessus.

Air baroque et choral protestant

Comme dans le fascicule 3, un air baroque a été inséré : "Vous qui voyez".

L’air donné en référence est tiré de l’opéra l’Europe Galante d’André Campra, mais il a certainement été substitué pour la version donnée ici. Quoi qu’il en soit le style est du théâtre de l’époque : très démonstratif et expressif des passions, grâce aux chromatismes principalement (do-si-do sur “qui voyez”, par exemple). Il faut donc veiller à limiter cet effet languissant, plus adapté à l’air d’opéra “Vous brillez seule en vos retraites”.

Ce n’est pas sans appréhension que nous proposons ici deux musiques typiques de la liturgie protestante : un psaume de Goudimel et un choral de Bach. La Réforme protestante s’attacha particulièrement à donner aux offices une musique facile à chanter par tous ses fidèles. C’était en réaction à ce qu’on appelle l’ars subtilior des polyphonies franco-flamandes du 15e et 16e siècle, où le texte devenait absolument incompréhensible sous la complexité rythmique des nombreuses voix. Les protestants proposent donc : une traduction systématique en langue vernaculaire, une polyphonie où toutes les voix chantent en même temps, des phrases musicales simples et bien découpées pour que la foule suive bien et ait le temps de respirer. Paradoxalement, Jean-Sébastien Bach s’est exercé à donner une harmonie la plus riche possible à ces mélodies simples, mais ce n’est pas l’objectif des fondateurs de ce style.

Il est évident que les paroles proposées ici sont tout à fait catholiques. De nombreux chorals de Bach ont été ainsi repris sur des paroles catholiques. Veillons à ne les introduire que rarement dans notre prière, parce que ces musiques ont été composées dans un esprit qui n’est pas catholique. Mais à l’occasion, nous pouvons utiliser ces heureuses adaptations.

Voici le psaume de Goudimel, adapté sur des paroles catholiques : "Seigneur, la prière".

Voici le choral de Bach adapté : "Veux-tu le vrai bonheur".

Voici le fascicule en question, ici.

Par l’abbé Louis-Marie Gélineau, prêtre de la FSSPX

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