Quand vient le temps de choisir une Bible...
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La communion solennelle d'une filleul approche. Son parrain souhaite lui offrir un cadeau de circonstance ; quoi de plus opportun qu'une Bible complète en français ? Comme le missel, c'est le cadeau d'une vie.
Autre situation : la faim de la parole de Dieu tenaille l'âme. On se souvient du mot de saint Jérôme : « Ignorer les saintes Écritures, c'est ignorer le Christ. » Et puis, récemment, on n'a pas été capable de répondre aux discours des témoins de Jéhovah proposant leur boniment devant la station de tramway.
Les situations sont diverses, car il n'est pas rare d'avoir à se décider sur une version française des saintes Écritures, et de se trouver dans l'embarras. Quelle Bible en langue française choisir lorsqu'on a décidé de l'offrir à un proche ou de la lire soi-même ?
Les commerçants de France ne manqueront pas de propositions à faire à leurs clients potentiels. Mais un catholique ne peut décemment pas choisir certaines des offres qui lui sont faites : la Traduction œcuménique de La Bible (TOB), La Bible en nouvelle traduction de Bayard, voire celle traduite par Segond… aucune de ces solutions n'est envisageable.
Cependant d'autres titres se présentent à l'esprit, dont certains sont d'ailleurs au catalogue des éditions Clovis : La Bible de Jérusalem , La sainte Bible de Crampon , La sainte Bible selon la Vulgate , La Bible traduite par Lemaître de Sacy ; que choisir ?
Les critères de sélection sont divers : dimensions du livre, nombre de pages, présence d'illustrations, prix de l'ouvrage, entrée en ligne de compte. Cependant il y a des critères plus déterminants.
Le premier critère de sélection est évident. Les saintes Écritures, qu'elles soient rédigées dans leur langue originale (on parle alors de « texte ») ou traduites (on parle alors de « version » ) , contiennent une grande partie de la révélation divine. L'Église catholique à la garde de cette Révélation. Quand bien même on serait doté de compétences démontrées en théologie, en exégèse ou en langues orientales, si l'on est d'Église, on est tenu par sa loi, et le droit ecclésiastique est le premier critère de sélection d'une Bible. Il s'énonce ainsi :
1° À un éditeur il est interdit de publier des « textes » ou « versions » de la sainte Écriture, avec les notes et commentaires qui les accompagnent, sans en avoir reçu l'autorisation – appelée censure – des autorités ecclésiastiques (canon 1385).
La censure consiste dans un jugement par lequel l'autorité compétente déclare qu'un livre peut être publié sans danger appréciable pour la foi ou pour les mœurs. Les censeurs, désignés pour un diocèse, expriment leur avis sous forme d'un nihil obstat (« rien ne s'oppose »). Lorsque nihil obstat il ya, l'évêque du lieu peut ensuite accorder la permission de publier le livre, permission appelée imprimatur .
Les livres de la sainte Écriture, ou les annotations et commentaires sur elle, qui n'auraient pas d' imprimatur , sont prohibés de plein droit, sans que soit nécessaire la déclaration d'une autorité. Cette interdiction – appelée index – implique non seulement que l'édition du livre est dénoncée par l'Église, mais que celui-ci ne doit être ni lu ni conservé (canon 1399).
Or la TOB ne bénéficie pas d' imprimatur . Par conséquent, elle n'aurait pas dû être éditée et on n'a pas le droit de la lire.
2° En ce qui concerne particulièrement les versions de la sainte Écriture en langue vulgaire (le français par exemple), elles ne peuvent pas être imprimées sans…
a) avoir reçu l'autorisation des autorités ecclésiastiques ;
b) être fournies d'annotations extraites principalement des saints Pères de l'Église ou de savants écrivains catholiques.
Ainsi, à la nécessité, valable pour toute Bible, de l' imprimatur, est ajoutée, pour les traductions en langue vulgaire, l'obligation de notes (canon 1391) ; les versions qui ne remplissaient pas ces conditions sont interdites ipso facto (canon 1399).
Par ailleurs, lorsque des non-catholiques publient des livres saints, ceux-ci sont prohibés ipso facto (canon 1399). Sont concernés par exemple La Bible d'André Chouraqui (qui était juif), La Bible traduite par Segond (œuvre d'un protestant), La Bible dans la bibliothèque de La Pléiade.
Notons en passant que la lecture des Bibles ainsi prohibées est permise, par exception, à ceux qui s'adonnent à des études bibliques (canon 1400).
Tel est donc le premier critère de choix pour le lecteur : que la version française de la Bible ne soit pas interdite et même qu'elle ait reçu l' imprimatur .
Jadis, l' imprimatur était donc nécessaire et suffisante. Mais aujourd'hui, l'esprit du siècle ravile la Parole divine au rang de parole des hommes. On sacrifie les mystères de la foi aux prétendues découvertes d'une science rationaliste. L'influence des exégètes protestants sur les savants catholiques et la victoire du modernisme au Concile forcent les catholiques à considérer que l' imprimatur des évêques ne garantit plus qu'une Bible peut être lue. Cet imprimatur reste nécessaire mais n'est plus suffisant. Par exemple, ce n'est pas parce que la Bible de Jérusalem en bénéficie qu'on peut conclure à son orthodoxie.
Pie XII, dans son encyclique Divino afflante Spiritu , parue en 1943, avait rappelé, après Léon XIII, les principes sains pour de vraies études scripturaires et pour la traduction de la Bible en français. Cela fait, hélas, bien longtemps que ses règles ne sont plus suivies, ce qui oblige le chrétien de langue française à une prudence accrue dans sa sélection. Enfin d'autres critères de choix, moins déterminants, entrent en ligne de compte. Par exemple, puisqu'il s'agit d'une version, certains préféreront une traduction littérale, peu élégante mais très fidèle à l'original ; d'autres opteront pour une traduction littéraire, quitte à prendre des libertés légitimes avec le texte. Enfin chacun a son idée du format, du coût… Cependant, quel que soit la sélection du lecteur, qu'il veuille bien ne pas oublier que la Bible attend moins d'être choisie et acquise par lui… que d'être effectivement lue.
Abbé Philippe Toulza
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FIDELITER n° 271