Anne Bernet nous présente Les enfants du Palatin
Entretien avec Anne Bernet (Présent, le 19 avril 2008)
On la connaît comme historienne, biographe,
romancière. Anne Bernet ajoute une corde à son arc, elle écrit des livres pour
la jeunesse. Les enfants du Palatin, destiné aux ados dès l’âge de douze ans,
et publié chez Clovis, raconte la vie d’Alexamenos. Le jeune héros est éduqué
dans une école d’enfants esclaves à Rome, en l’an 79, sous le règne de
l’empereur Vespasien. Il est le protégé d’une grande famille patricienne
convertie au christianisme. Il découvre l’Evangile et les persécutions dont
sont victimes les chrétiens. Ce roman mêle aventure et initiation
pédagogique à la Rome antique. Cela en fait un bien plaisant ouvrage riche
d’enseignements et de réflexions.
Les enfants du Palatin est votre
troisième ouvrage destiné à la jeunesse. Quelle est son ambition ?
Je ne suis pas sûre de nourrir de
véritables ambitions lorsque j’écris des romans pour adolescents. En fait, je
sais bien que, dans le contexte actuel, ces livres ne risquent pas de
concurrencer Harry Potter ni de m’apporter la moindre renommée supplémentaire.
Et, franchement, je m’en moque. Ce qui m’importe, c’est de faire découvrir aux
jeunes lecteurs, à travers des personnages de leur âge, une époque, un climat,
qui, par certains côtés, ressemblent aux nôtres, et de leur montrer comment il
est possible d’affronter des situations éventuellement tragiques, dans une
optique chrétienne. Leur donner aussi, si possible, le goût de l’histoire.
Parlant de la Rome antique, un de
vos héros déclare: « C’est un pays de fous (…). Les patriciens y
travaillent comme des brutes, les plébéiens ne font rien de toute la journée et
attendent que l’État leur donne de quoi vivre. Et ceux qui voudraient chercher
de l’embauche, dans les champs où ailleurs, s’entendraient répondre qu’il n’y
en a pas pour eux, que les esclaves y suffisent. » Ne peut-on voir dans
cette citation une allusion à notre société actuelle ?
Sans doute peut-on assez
facilement faire le rapprochement, et bien d’autres car il faut reconnaître,
entre notre société et le monde romain, un nombre croissant de similitudes.
C’est probablement dû à la déchristianisation ambiante qui nous ramène à grande
vitesse aux mœurs et aux usages du monde païen. Et quiconque connaît l’histoire
romaine sait bien qu’il n’y a pas lieu de s’en féliciter mais plutôt de s’en
alarmer.
Pourriez-vous nous dire quelques
mots de votre jeune héros Alexamenos ? Vous nous annoncez une suite à la
fin du livre, comptez-vous réaliser une saga, Alexamenos fera-t-il l’objet de
plusieurs aventures, va-t-on le voir vieillir ?
Alexamenos a existé. Il fut
véritablement élève à l’école des pages du Palatin, c’est-à-dire un enfant
esclave destiné à servir à la cour impériale, mais sans doute un peu plus tard
que je l’ai raconté. Nous le connaissons parce que les archéologues, au XIXe
siècle ont découvert dans les ruines du Palatin un curieux graffito
représentant un orant en train de prier devant un crucifié à tête d’âne avec
cette mention : « Alexamenos adore son dieu ». Et Alexamenos,
courageusement, a surchargé le dessin blasphématoire de cette profession de
foi : « Alexamenos, fidèle ». Depuis que j’ai découvert cette
anecdote, quand j’avais quinze ans, j’ai toujours eu envie d’en savoir plus à
son sujet. Bien sûr, j’ai dû extrapoler, dans la limite des possibilités
raisonnables, lui inventer une histoire, un destin, un caractère. Je l’ai aussi
fait vivre cinquante ans ou cent ans avant la date probable de son séjour
romain, cela afin de lui permettre de rencontrer les enfants de Titus Flavius
Clemens, le cousin de Titus et de Domitien, la branche chrétienne de la
dynastie flavienne, celle qui aurait hérité du trône si Clemens n’avait pas été
dénoncé comme « athée », autrement dit infidèle à la religion et aux
dieux officiels de l’Empire. A ce moment, au début des années 90 de notre ère,
il s’en est fallu de rien ou presque qu’un empereur chrétien reçoive la pourpre
et que Rome se convertisse. Toute l’histoire du monde en eût été radicalement
changée… Je
n’ai pas réalisé une saga, mais il est vrai que Les Enfants du Palatin sont
suivis de deux autres tomes, Titus Clemens et Les Prisonniers des îles qui
voient Alexamenos et le jeune Clemens devenir adultes et être confrontés aux
intrigues de la Ville et du monde, aux piège de l’amour, aux haines de toutes
sortes, et, surtout aux dangers qui menaçaient alors les chrétiens. Cela fait
maintenant presque huit ans que les trois volumes de la trilogie du Signe de
l’Ichtus sont chez l’éditeur. Je désespérais de les voir paraître un jour. (…)
(NB : Anne Bernet a donné cet interview en 2008, les trois livres ont été
publiés depuis.)
Propos recueillis par Anne Robinson
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